Pastoralisme et transhumance : L’insécurité plombe le secteur

Le pastoralisme est un système de production basé sur la mobilité du bétail et des pasteurs. Cet élevage pastoral pratiqué par des éleveurs est confronté à des conditions climatiques défavorables et une crise sécuritaire qui sévit dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel.

Par Mamadou Aliou Diallo, de retour d’Accra

Cette situation d’insécurité se traduit par la menace terroriste, les conflits, l’enlèvement de propriétaires d’animaux, les vols du bétail, etc. Ce contexte d’insécurité impacte « négativement » la transhumance. Le pastoralisme qui est un mode de vie concerne toute la famille de l’éleveur (hommes, femmes et enfants).

Samba Diallo, Accra, Octobre 2019 @Ph alioubm

Samba Djiby Diallo, Spécialiste en élevage/ formateur principal en pastoralisme, déclare « qu’il n’est pas facile aujourd’hui d’aller en transhumance avec les femmes, les enfants, parce que l’insécurité est là. Cette insécurité dénature la transhumance, parce que quand vous partez, vous rencontrez des coupeurs de route, c’est soit ils vous tuent, ou ils prennent tout votre capital et vos bétails. Et les pasteurs transhumants sont souvent confrontés à cette situation ».

Selon lui, à cause du terrorisme, la transhumance a changé de forme. Parce que la cible femme et enfant est très vulnérable. « Avant, toute la famille partait. Mais aujourd’hui, on a qu’une partie de la famille qui part en transhumance, que sont les hommes. Si les femmes doivent aller, elles partent par la route en devançant les transhumants. Et quand elles arrivent, elles s’installent près de la ville », fait remarqué M. Diallo.

Quel lien entre pastoralisme et djihadisme ?

Dans le contexte où le phénomène du terrorisme menace le Niger, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie et le Tchad, certains assimilent le pasteur au djihadiste. Le secrétaire permanent du Réseau Billital Maroobé (RBM), Dodo Boureima souligne que le terrorisme est un phénomène mondial qui n’est pas uniquement propre au pastoralisme.

Il déclare : « Quand on parle de djihadisme, les gens font allusion aux Peuls. Ça c’est des préjugés. Les peuls sont souvent victimes de ces djihadistes-là parce que c’est leurs bétails qui en souffrent. Ils perdent des villages et tous leurs biens. Parmi les djihadistes, on retrouve toutes les ethnies du Sahel, on ne nie pas qu’il y a des peuls, mais l’élevage pastoral n’est pas ethnique. Donc, il ne faut pas faire l’amalgame pensant que Foulani égal djihadisme

Boureima Dodo, Accra, Octobre 2019 @Ph alioubm

 

 

M. Dodo estime que suite à des difficultés liées au chômage, les éleveurs perdent beaucoup de jeunes qui sont parfois recrutés par les djihadistes. Mais il ne veut pas qu’il y ait un lien entre les groupes armés et le pastoralisme. Le secrétaire permanent voit mal comment un éleveur pasteur quitte son pays pour aller jusqu’au Ghana avec son troupeau, laisser ce troupeau et aller faire du djihadisme. « Mais certaines populations et les forces de défense et de sécurité font souvent cet amalgame. Les forces de sécurité, quand elles partent en patrouille et qu’elles voient un éleveur pasteur, elles l’abattent sans sommation », déplore-t-il.
Au Burkina Faso, dans la région de l’Est, à Fada N’Gourma, au début de la campagne pour la transhumance 2019, un groupe de transhumants a été victime d’une brutalité des forces de défense et de sécurité.

 

Boubacar Maiga, Accra, Octobre 2019 @Ph alioubm

Boubacar Maïga, responsable des programmes du réseau de communication sur le pastoralisme (RECOPA) raconte que ces jeunes transhumants sont issus de deux familles. Selon lui, ces transhumants sont partis dans un village d’une commune rurale de Fadan N’Gourma, qu’on appelle Natiabouania.

« Arrivé dans la province de Gourma, il y’avait un point d’eau où les éleveurs se rabattent pour abreuver leurs bétails. C’est à cet endroit qu’un groupe des forces de défense et de sécurité (FDS) les a surpris. Après des vérifications des identités, ils les ont attaché et ont commencé à les tabasser. Le plus jeune d’environ 18 ans a eu peur. En voulant se sauver, on l’a abattu. Ils ont attachés les deux autres aussi et sont allés les jeter en brousse hors du village. Pendant ce temps, le troupeau est laissé à lui-même. Il n’a pas pu faire la transhumance comme il le fallait pour des raisons d’insécurité. Il y a beaucoup des cas comme ça », a expliqué M. Maïga.

Au regard de la situation sécuritaire persistante et de ses effets perturbants sur la transhumance transfrontalière, les acteurs non étatiques, réunis du 7 au 11 octobre 2019 à Accra, ont appelé les gouvernements pays côtiers d’accueil et leurs homologues sahéliens « à engager un dialogue inclusif, afin de trouver des solutions idoines pour faire face à cette situation inhabituelle de départ précoce, de retour tardif et de sédentarisation des transhumants, à travers un encadrement et un soutien permettant de faciliter le séjour à ce type de transhumance liée à l’insécurité ».

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